Deux bonnes idées de scénario, mais des éléments qui parasitent l'histoire. Les critiques cinéma du Masque et la plume sont restés sur leur faim.
La présentation du film par Rebecca Manzoni
C'est un film de Xavier Beauvois avec Jean-Paul Rouve en restaurateur, criblé de dettes, alcoolique, veuf et père d'une fille. Rien ne va plus jusqu'au jour où Jean-Paul, c'est aussi le prénom du personnage, décide de participer au Vendée Globe. Mais depuis le fond de son jardin, c'est possible virtuellement grâce à un jeu de simulation de la course en ligne. Qu'à cela ne tienne, même à sec! Et dans son bateau, au fond de son jardin, Jean-Paul tient à vivre réellement cette course en solitaire. Et il s'isole pour plusieurs mois. Ça ne réjouit ni son père, ni sa fille. Interprété par Pierre Richard et par Madeleine Beauvois, elle-même fille du cinéaste.
À écouter :
Le 18/20 · Le téléphone sonne
36 min
Florence Colombani: «Quelque chose de vrai sur l’alcoolisme»
Pour la Journaliste et critique cinéma au Point, LaVallée des fous aurait pu être un film anglais à la Ken Loach, avec un côté social où on raconte un morceau d'une réalité sociale. Ça aurait pu être un film américain avec son côté de rédemption possible. C'est un film de Xavier Beauvois. «Ce qui m'a plu, c'est le côté confession. Il parle de l'alcoolisme de son personnage principal, sujet dont Xavier Beauvois parle très librement. Il n'y a pas d'intrusion dans son intimité. Il représente l’alcoolisme avec beaucoup de réalisme, ce qui fait la force du film. En particulier, dans une scène très dure, voire cruelle, de dîner avec son père. Elle montre cette maladie dans le quotidien. Et il y a vraiment quelque chose de vrai. Enfermé dans son bateau, il va passer par du delirium tremens, il va avoir une sorte de sevrage forcé. Tout ce chemin-là m'intéresse. »
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Xavier Leherpeur: «Une intrigue secondaire parasite le film»
Le critique de la 7e Obsession est d’accord avec Florence Colombani, mais souligne un problème: «"La Vallée des fous" est un peu parasité par une intrigue secondaire autour du restaurant gardé dans son jus. Tenu à l'origine par l'épouse décédée du personnage principal, ce dernier ne change ni le décor, ni la carte. Mais le fils va en douceur, tout réinventer. Cela pose un problème de crédibilité. Un restaurant refait du sol au plafond à quelques mètres du bateau dans lequel vit le personnage principal qui ne s’aperçoit de rien… Xavier Beauvois n’a pas choisi l’histoire du Vendée Globe statique qui aurait fait un film magnifique, porté par son mouvement très humaniste. Le restaurant refait ne se greffe pas bien et met vraiment en avant les incohérences du scénario. Et j’en suis un petit peu attristé. »
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La journaliste au Monde est d’accord avec Xavier Leherpeur. Pour elle, il y avait «le moyen de faire un bad movie, mais il s'encombre de choses inutiles et d'un récit convenu de fiction réparatrice. Alors qu'il avait deux belles idées: filmer Jean-Paul Rouve dans un état déplorable, et la course en ligne, cette manière de prendre la poudre d'escampette tout en restant dans son jardin. Ça m'a beaucoup fait penser à "The Lost Week-end" de Billy Wilder, l'un des rares films hollywoodiens sur l'alcoolisme. Xavier Beauvois aurait dû rester avec son personnage, faire un film radical, abstrait, un peu ce qu’avait fait Catherine Breillat avec "Abus de faiblesse". Utiliser le corps d'un acteur ou d'une actrice pour voir ce qu'on a vécu. Le réalisateur aurait pu montrer l'alcoolisme et enlever ces personnages annexes qui ne servent à rien, mais mettent le film dans les rails de la fiction feel good. »
À écouter :
Jean-Paul Rouve et "l'envie d'apprendre encore et toujours" de son métierL'interview de 9h20
18 min
Christophe Bourseiller:«C'est un très beau film»
Le critique de France Inter partage aussi ce point de vue: «Une idée géniale de scénario de quelqu'un qui décide de faire le tour du monde depuis le fond de son jardin et qui en plus se bat avec lui-même, contre l'alcoolisme… Cela aurait pu faire une sorte de film huis clos formidable. Mais c'est un très beau film, même s’il manque parfois de rythme et qu’il subsiste beaucoup de non-dits qu'on n'éclaire pas. Je n’ai pas compris pourquoi le fils était fâché avec son père, ni le propos sur la gastronomie écolo. Néanmoins, le cinéma de Xavier Beauvois, c'est un cinéma de quête, de rédemption, de voyage intérieur vraiment passionnant et très fort. Jean-Paul Rouve est extraordinaire et Pierre Richard ne fait pas du Pierre Richard. Il a un rôle assez réservé, très émouvant. »